Click&Command, épisode 2 : acquisition surprise (et moi, CTO à 23 ans)

Arnaud Lenglet
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Entrepreneuriat
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23/9/2024

Tandis que je suis en poste depuis maintenant quatre mois, je reçois un coup de fil pour le moins inattendu : un certain Ismaël Ould - qui se présente comme le CEO d'une startup qui développe un logiciel pour la restauration, visiblement concurrent du mien - me propose une rencontre. Curieux, j'accepte, et on se retrouve dans un petit restaurant japonais à Paris. Ils sont deux : Ismaël et un autre type, un certain Bruno Correia. Je leur explique que, pour moi, l’aventure est terminée. Click&Command, c’est fini, rideau, ils arrivent trop tard. À ma grande surprise, ils ne bronchent même pas. Ils me regardent, un peu amusés, et m’expliquent que, bien au contraire, mon logiciel est en fait plus avancé que le leur, et qu'ils aimeraient l’acquérir pour accélérer leur développement.

À ce moment-là, je reste bouche bée. Jamais je n'avais imaginé que mon petit logiciel - développé dans ma chambre d'étudiant - pourrait intéresser une vraie startup, et encore moins qu’on me proposerait de l’acheter ! On discute assez longuement, ils m'expliquent leurs ambitions, et leur vision ; Ismaël me laisse entendre qu'ils préparent un gros coup, que ça sera "la prochaine révolution", et qu'il me propose d'en être. Forcément, c'est flatteur, et ça laisse rêveur...

Quelques jours plus tard, nouvelle rencontre. Sauf que cette fois-ci, arrivé devant l’adresse indiquée, c’est clairement pas le kebab du coin : voiturier, personnel en costume cravate, du marbre et des dorures partout... J’appelle Ismaël pour lui dire que je me suis sûrement trompé d'adresse. Sa réponse ?

"Non, c’est bien ici, entre, on t’attend dans le petit salon".

Petit salon ? Rien que ça. J’entre. On m'accueil comme si j'étais un grand dignitaire, et on me conduit au-travers d'un long couloir. Je passe devant l'entrée de plusieurs salons, au intérieurs tous plus chics et raffinés les uns que les autres. Finalement, on s'arrête devant la porte de l'un d'entre-eux, et on m'y introduit dans l'un d'eux. En entrant, je suis impressionné par la cheminée gigantesque qui trône au milieu de la pièce. Et là, juste devant, assis sur des canapés, j'y retrouve Ismaël, accompagné de deux autres types. Assez amusé par le contexte improbable de notre rencontre, je les salue et m'installe. Je réalise alors qu'ils sont tous en costume-cravate… tandis que moi, je suis là, en sweat. J'ai comme l'impression de faire tâche.

La discussion commence. L'un des hommes en costume se présente comme un avocat d'affaire, et démarre un long monologue, au cours duquel il résume méthodiquement l'ensemble des points de notre dernier échange. Sa prise de parole me fait l'effet d'un discours ciselé, probablement aussi travaillé que ses boutons de manchettes dorés, que je ne peux manquer de remarquer, tant ils virevoltent devant moi au rythme de ses enchaînements de paroles. Il conclue finalement par la présentation de leur offre : ils me proposent de les rejoindre en tant que CTO, avec un salaire plus élevé que mon salaire actuel, des parts dans leur boîte et un bon "bonus" en cash en échange du code de mon logiciel. Rien que ça ! Je reste sans voix. À ce moment, je ne rigole plus du tout : je comprends que c'est sérieux, et je suis juste impressionné. L’avocat me regarde avec un sourire légèrement condescendant et me demande :

"Qu'en pensez-vous ?"

J'ai 23 ans, un profil purement tech, absolument aucune expérience en négociation ni aucune idée de ce qu'il convient de faire dans ce genre de situation. Tout ce que je comprends, c'est qu'il faut que je donne une réponse, laquelle réponse aura probablement un impact important sur ma vie à court terme. Je bafouille quelque chose pour exprimer ma surprise, ainsi que mon besoin d'y réfléchir, et il reprend en me coupant presque la parole :

"Très bien, très bien. Dans ce cas, pour les prochaines étapes, je vous propose que vous me mettiez en relation avec votre avocat".

Et moi de répondre, dans un pouffement de rire maladroit traduisant mon malaise : "Bah… je n’ai pas d’avocat. Je suis juste quelqu’un de normal, vous savez." Fou rire gêné autour de la table. L'avocat reprend, en me fixant droit dans les yeux :

"Arnaud, nous parlons de sommes à six chiffres. Peut-être que ça vaudrait le coup d’en prendre un, vous ne croyez pas ?"

Je sors de là complètement sonné. Un avocat ? Des parts ? Un "package" ? Et moi, CTO, à 23 ans ? Tandis que je viens tout juste de devenir développeur ? Si on m'avait dit ça quelques mois plus tôt...

Après plusieurs jours de réflexion, j'accepte leur offre. Bien sûr, je n'ai pas pris d'avocat... et l'avenir m'apprendra que j'aurais dû ! Mais ça, je vous le raconte dans un autre billet, consacré à mon aventure chez LeDej (devenu Wynd, puis Anycommerce).

Arnaud Lenglet
Développeur. Concepteur. Créateur.
Je partage mes expériences autour de la création de produit.

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